Lorsque je parle du travail de l’organisation que j’ai rejoint en début d’année 2021, l’une des premières réactions des gens est toujours la même : vous allez parler de droits humains à des institutions financières ?
Cela semble incongru de mettre droits humains et institutions financières dans la même phrase et encore plus de penser que ces dernières devraient intégrer les premières. Pourquoi parler de droits humains à des institutions financières et penser qu’elles devraient écouter ?
C’est que ces institutions financières ont un mandat de développement. La plus active et la plus ancienne en Afrique est la Banque africaine de développement créée en 1964 dans le contexte de grands espoirs suscités par la vague des premières indépendances. La mission de la BAD dont le siège est à Abidjan est de réduire la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie des Africains.
Peu importe de quelle manière l’on formule cela et le prisme par lequel on étudie la question, améliorer les conditions de vie est bel et bien une question de droits humains. Et c’est là que parler de droits humains à des institutions financières fait sens car ce serait se voiler la face que de penser que la clé de la réduction de la pauvreté est exclusivement financière.
Avant de rejoindre la Coalition pour les droits humains dans le développement en février 2021, j’ai passé pratiquement les dix dernières années à travailler dans le domaine des droits humains « traditionnels », dans des organisations où la première cible du plaidoyer était les Etats en tant que signataires et premiers responsables du respect des droits humains des citoyens de leurs pays. J’ai eu le privilège de côtoyer des femmes et des hommes pour qui le respect des droits humains était une affaire personnelle.
Toutefois, dans beaucoup de contextes et encore plus dans le contexte africain, les acteurs dont les actions et décisions influencent les vies des populations ne sont pas forcément étatiques.
La Coalition pour les droits humains dans le développement est une coalition d’une centaine d’organisations membres dans le monde dont une trentaine en Afrique; ensemble de mouvements sociaux, d’organisations de la société civile et de groupes de base qui travaillent ensemble pour garantir que le développement soit mené par la communauté et qu’il respecte et protège les droits humains.
En réalité mon travail n’a pas beaucoup changé, les sujets sont différents, les approches aussi, les cibles (les institutions de financement du développement) encore plus mais il s’agit encore et toujours de respect de droits humains. Et il s’agit de parler de droits humains à des institutions qui pour certaines n’en ont toujours pas compris l’importance. Il s’agit au quotidien de rappeler par exemple à la Banque africaine de développement que son agenda de développement n’a aucune chance d’avoir un quelconque succès si les communautés concernées ne sont pas consultées, intégrées et même mises en première ligne du processus de création des projets qui impactent leurs vies. C’est cela les droits humains DANS le développement.
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