Sénégal : 26 personnes arrêtées pour avoir discuté pacifiquement de la manière d’exiger une compensation équitable dans le cadre d’un projet de train.

Mise à jour : le 27 octobre, après 5 jours de détention, le groupe de 26 défenseurs des droits humains a finalement été libéré.

Dakar, le 26 octobre 2022 – Le 22 octobre, à Dakar, la police a arrêté Babacar Diouf, chargé de programme de l’organisation non gouvernementale Lumière Synergie pour Développement (LSD), et 25 membres du Collectif des membres des communautés impactées par le projet de Train Express Régional (TER), dont cinq femmes. Après avoir été détenu pendant deux nuits au commissariat de police, le groupe a été transféré au bureau du procureur de la République de Dakar. Le Procureur a alors prolongé la garde à vue pour trois nuits supplémentaires, sous l’accusation de trouble à l’ordre public. 

Le groupe a été arrêté au domicile de l’un des membres du Collectif, prétendument parce qu’ils discutaient de l’organisation d’une manifestation pacifique pour exprimer leurs préoccupations légitimes concernant le projet de train TER et pour exiger leur droit à une indemnisation équitable.

« Nous sommes sérieusement préoccupés par ces arrestations, qui constituent une violation flagrante du droit de réunion pacifique garanti par la Constitution sénégalaise et les traités régionaux et internationaux relatifs aux droits humains. Personne ne devrait être arrêté simplement pour avoir exprimé une opinion ou organisé une manifestation légitime : nous exigeons leur libération immédiate et inconditionnelle », a déclaré Aly Sagne, directeur de LSD Sénégal.

Le Train Express, qui est entré en service en 2021, est un projet phare du « Plan Sénégal Emergent », la feuille de route ambitieuse du pays en matière de soi-disant développement. Il a nécessité un total d‘un milliard d’euros et a été soutenu principalement par la Banque africaine de développement (BAD), qui a mobilisé 200 millions de dollars, et l’Agence française de développement (AFD), qui a accordé trois prêts concessionnels d’un montant total de 230 millions d’euros et 750 000 euros de subventions pour soutenir l’expertise juridique et l’assistance technique. La Banque islamique de développement (BID), la Direction du Trésor française et le gouvernement du Sénégal ont cofinancé le projet.

Mais ceux qui paient le coût le plus élevé sont les communautés locales déplacées par le projet, qui attendent toujours de recevoir une indemnisation équitable et ont été confrontées à des réinstallations involontaires, des démolitions de propriétés, des pertes de moyens de subsistance et des représailles.

En 2019, un groupe représentant les communautés locales, avec le soutien de l’ONG locale LSD Sénégal, a déposé une plainte auprès de la BAD et de l’AFD. On estime que la première section de la ligne de train (environ 36 km) a affecté près de 15 000 personnes. De plus, il n’y a pas eu de consultations significatives et les compensations ont été inégales et inadéquates : alors que certains ont reçu une compensation symbolique en espèces, d’autres non. La deuxième phase du projet, qui prolonge la ligne de train sur 19 km supplémentaires, est tout aussi problématique et les communautés touchées protestent contre l’absence de compensation équitable.

« Nous reconnaissons que les projets d’infrastructure peuvent être utiles et qu’ils peuvent avoir un impact économique important, mais ces projets doivent être développés sans violer les droits des populations affectées. Nous exhortons l’État à poursuivre le dialogue avec les personnes affectées par le projet TER et à respecter leur droit à une compensation équitable », a déclaré Anne De Jonghe, responsable des flux financiers et des infrastructures chez Both ENDS.

Les banques publiques de développement qui soutiennent le projet, notamment l’AFD et la BAD, ont des engagements et des responsabilités spécifiques pour veiller à ce que le projet ne finisse pas par nuire aux bénéficiaires supposés, et que les communautés locales puissent participer en toute sécurité et exprimer leurs préoccupations dans le cadre des projets qu’elles financent.

« En tant qu’institutions publiques, les banques de développement doivent veiller à ce que les personnes concernées et les défenseurs des droits humains puissent s’exprimer en toute sécurité, poser des questions et demander des compensations lorsque leurs droits sont violés. Les préoccupations des personnes concernées doivent être prises en compte. Si le droit à la liberté d’expression n’est pas respecté, et si les communautés se retrouvent confrontées à la pauvreté et aux inégalités au lieu de la prospérité, nous ne pouvons pas appeler cela du développement », a déclaré Elaine Zuckerman, présidente de Gender Action.

Informations pour les rédacteurs

LSD : Lumière Synergie pour le Développement est une association à but non lucratif qui soutient les communautés touchées par les activités des banques de développement, telles que la Banque africaine de développement et la Banque mondiale. Elle travaille sur des questions telles que la transparence et la responsabilité, en favorisant le développement d’une société civile dynamique et en œuvrant pour un développement réellement durable du Sénégal.

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